« Miroir tranchant comme une lame » une sentence qui pourrait s’entendre comme un aphorisme et résumer en quelques mots un travail qui a pour sujet et pour objet le miroir.
Le miroir comme médium, utilisé comme support et surface, signifiant de par sa fonction réfléchissante, mais signifiant aussi par le choix de la représentation qui en est fait, et qui est celui inspiré de l’univers d’objets bien particuliers, celui des outils qui ont pour fonctions de tailler, trancher, découper, séparer des matières. Bien qu’à la fin, ce miroir que je travaille, re-devient ce médium qui ne cesse d’ouvrir plusieurs « perspectives », au sens propre comme au sens figuré...
L’omniprésence du miroir dans notre quotidien, dont la réalité physique, et désormais virtuelle via la pratique banalisée du selfie, fait écho à la saturation d’images de notre époque, rend paradoxalement toujours plus difficile la perception du visible. La surconsommation ou l’omniprésence des images étant là pour nous tendre autant de miroirs où se projeter.
La représentation du miroir que je propose, renvoie sans doute à l’intime, à la figure incarnée, jusque dans l’illusion d’entrevoir sa propre chair. La chair, substance du corps humain ou animal, à l’image du tissu végétal qui compose le bois.
Une étrangeté qui peut se retourner comme une menace, dès lors que la première fonction du miroir est de donner à voir le corps, de légitimer son existence : « Nous sommes de la viande », disait Francis Bacon, « nous sommes des carcasses en puissance. Si je vais chez le boucher, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de l’animal... ».
Le miroir est métaphoriquement une « peinture », ceinturé par un cadre qui légitime la surface réfléchissante comme espace de représentation. Ainsi, de l’étal du boucher ou de l’établi du menuisier, je déplace, compose, ou recompose des représentations, sous formes de « tableaux » qui assument de provenir d’espaces « chaotiques » pour venir occuper, ceux, plus ordonnés de nos intérieurs, quitte à déranger.
L’outil est fait d’acier alors que le miroir est composé de verre. La force et la solidité du premier en opposition avec la fragilité du second, peuvent, dans les substitutions de matières qui sont faites, être une image du sujet devant son miroir, entre apparence et réalité, la fragilité l’emportant toujours, quelque soit l’image que l’on se fait de soi.
Le sujet, face à ces « tableaux-miroirs », est ainsi fragmenté et découpé par l’entremise des pièces tranchantes, mises en scène de manière à ne jamais pouvoir présenter le corps en totalité, seulement par morceaux, comme autant de facettes qui composent une personnalité, dans sa complexité et ses ambivalences.